Alors que je flânais dans les rues désertes de Suna, je savais que j étais l'un des rares genins et par extension adulte, à ne pas avoir été invités à participer à cette grande guerre. Et, pour être tout à fait honnête, cela m'arrangeait bien. Les responsabilités directes et indirectes de la guerre ne me tentaient guère. J'avais préféré m'éclipser, ma curiosité l'emportant sur ma prudence habituelle. Le jour, je me fondais dans l'anonymat, observant de loin les avancées de cette bataille épique. Ma discrétion était ma meilleure alliée. Mais la nuit... la nuit, je ne pouvais résister à l'appel de l'obscurité et puis, je tombé sous le joug d’un agréable rêve. Du moins, au début..
Je m'étais retrouvé sur un chemin agréable, un rêve presque trop parfait pour être vrai. J'aurais pu y passer ma vie entière, perdu dans ses délices. Cependant, mon esprit avait capté les étrangetés du rêve, les incohérences qui n'avaient pas leur place dans la réalité. Soudain, je m'étais réveillé, plongé dans une réalité beaucoup plus sombre que celle de mon rêve. Autour de moi, gisaient des corps sans vie, des victimes de la nuit précédente et d’autres qui semblaient endormis. Mon talent pour la manipulation des fluides sanguins avait trouvé une utilisation brutale, une nécessité pour survivre dans cet environnement impitoyable.
Je me retrouvais ainsi, errant dans les rues mortes de Suna, mon innocence feinte et mon apparence nonchalante dissimulant la vérité de mon existence. Toujours en quête de réponses, de solutions créatives, mais conscient que la nuit apportait avec elle des mystères dangereux, je continuais ma danse subtile dans l'obscurité, espérant trouver une âme charitable qui voulait bien prendre soin de moi. J’aime la solitude, mais là, c’était un tout petit trop. Suna était devenu un village fantôme, comme le reste des autres villages, je présume. Combien de temps je déambulais dans ces rues « hantées » ? Je ne saurais le dire. Les shinobis étaient endormis. Je m’étais vengé d’eux en leur dessinant sur le visage ou dérobant leur argent. Une vengeance enfantine pour toutes les fois, pour lesquels, j’avais été simplement vu comme un monstre, ou un pleutre. Un masque, que j’appréciais porter.
Les jours s'étaient écoulés, et j'avais compté chacun d'entre eux avec une tristesse croissante. Mon errance dans le monde des shinobis était devenue une routine morne, malgré les conflits intérieurs qui me rongeaient. Mon propre grand-père, Ebizo, en tant que chef du conseil de Suna, était une source de rancœur pour moi, quand je l’avais retrouvé, l’envie de mettre fin à sa vie, m’avait tenté, mais je n’aime pas me salir les mains. L’occasion était belle, personne pour témoigner de mon rôle dans sa disparition, mais j’avais trop la flemme pour lever ne serait-ce qu’un doigt sur lui. Il était le petit frère de l'ancienne mamie Chiyo et avait joué un rôle dans la politique de notre village. La famille du Kazekage était également impliquée dans cette toile complexe de relations avec mon clan et elles avaient contribué à mon désir de rester à l'écart, de préférer l'ombre à la lumière.
Je n’avais toujours pas trouvé la force de pardonner à la personne que tout le monde admirait. Il avait tué mon rayon de soleil. En légitime défense, j’aurais peut-être acquiescé, mais là, non. Pourtant, malgré mes sentiments négatifs, ma réticence et ma tendance à éviter les responsabilités directes, une idée avait commencé à germer en moi. Réunir les shinobis de Suna, même petit à petit, était devenu un objectif que je ne pouvais plus ignorer. Il ne fallait pas trop me demander de devenir un leader charismatique du jour au lendemain, mais je pouvais agir en coulisses, tisser des alliances discrètes, et créer des opportunités pour le bien de notre village. Du moins, j’aurais pu par le passé, j’aurais pu durant cette grande guerre, si j’avais monté en grade, mais là encore, il fallait mettre cela sur le compte de mon manque de motivation pour quoi que ce soit. J’avais retrouvé la grande sœur du Kazekage. Temari hime. Est-ce que je devais la mettre à l’abri ?
L'épuisement me gagnait alors que je me tenais devant la kunoichi endormie. Malgré le désir tentateur de venger les offenses du Kazekage, je me refusai à céder à cette pulsion sombre. Au lieu de cela, je pris une couverture à portée de main et la disposai doucement sur son corps inerte, comme je l'avais fait pour les autres. J'avais vu les corps, et ma maîtrise de la technique de scellement m'avait permis de libérer mon corps de leurs poids. Mon apparence nonchalante et mon attitude espiègle cachaient bien des compétences, y compris cette capacité à manipuler les fluides sanguins pour sceller des êtres vivants.
Cependant, il y avait un détail que j'avais choisi de ne pas ignorer : les parchemins. Deux d'entre eux étaient soigneusement dissimulés dans mes affaires. Je savais que, du point de vue de la sécurité, il serait préférable de les remettre dans leurs parchemins que là, allongés sur le sol. Des ennemis pouvaient attaquer, les tuer dans leur sommeil. Mais une question hantait mes pensées : que se passerait-il si ces parchemins étaient perdus ou détruits ?
Le risque de les confier à la fragilité du papier était trop grand à mes yeux. Je préférais ne pas porter le poids de ces parchemins sur mes épaules. Je refusais de prendre le risque de les perdre à tout jamais. Je m'asseyais lentement sur le sol, laissant la lueur de la pleine lune illuminer mon visage fatigué. Mes éventails étaient restés à l'écart, mais mes pieds endoloris me rappelaient que j'avais parcouru un long chemin. Je marmonnai pour moi-même, me demandant pourquoi, en tant que ninja qui n'était pas affilié à l'Alliance, j'étais plongé dans ce travail épuisant.
Soudain, j'entendis un bruit de mouvement à proximité. Je ne pouvais pas me permettre d'être découvert en train de flâner ainsi. Avec une rapidité feinte, je tombai à genoux et me mis à implorer le nouvel arrivant, gardant la tête renversée comme un idiot.
« N-non, s'il vous plaît, je ne sais pas ce que je faisais ici. Je suis perdu, complètement perdu ! »
Ma voix trembla de manière exagérée, mon visage exprimant la peur et la confusion. J'avais l'habitude de jouer ce rôle de l'idiot qui avait besoin de protection, et j'espérais que cela me permettrait de dissimuler mes véritables intentions et d'obtenir des informations utiles du nouvel arrivant. Je restais à genoux, gardant ma tête renversée, tout en écoutant attentivement les paroles du nouvel arrivant. Ma longévité avait préservé mon apparence juvénile, me donnant l'apparence d'un adolescent de quinze ans, à la fois petite et androgyne. C'était un jeu que j'appréciais, me faire parfois passer pour une fille, jouant avec les perceptions des autres. Avec une voix tremblante et fébrile :
« Je suis juste un petit genin de Suna, monsieur. Je ne sais vraiment rien du tout, je vous en prie, laissez-moi la vie sauve, ainsi que celle de mes camarades endormis. »
J'inclinai ma tête encore plus bas pour montrer mon bandana de genin de Suna, espérant que cela persuaderait le nouvel arrivant que j'étais inoffensif et vulnérable. Mon masque de l'idiot était solidement en place, dissimulant soigneusement ma véritable intelligence et mes intentions. Qu’elles étaient mes intentions déjà ?